Suite du journal de voyage en Ouzbékistan : Boukhara (page 7/7)
La matinée est consacrée à une visite en dehors de la
ville et l'après midi à une visite libre de Boukhara.
La
Nécropole de Tchor Bakhr.
La Nécropole de Tchor Bakhr (des " quatre Bakhr ") est dans
le village de Soumitan.
A la fin du Xe siècle, quatre frères de la famille Abou-Bakhr,
descendants directs du prophète Mahomet, viennent à Boukhara pour
prêcher. Ils s'arrêtent dans le village de Soumitan à 6 km
de Boukhara et se séparent : deux iront à Boukhara, et deux, Saad
et Ahmad, restent à Soumitan. Les deux autres frères, à
Boukhara, jettent des sourates dans le bassin Liab-i-Khaouz pour purifier son
eau : qui boit son eau se convertit.
Les quatre saints hommes sont enterrés à Soumitan. L'endroit devient
vite un lieu de pèlerinage : on distingue le grand pèlerinage
à la Mecque, Hajj, qu'il faut faire une fois dans sa vie, et des pèlerinages
locaux, les Oumra, qui peuvent remplacer le grand pèlerinage.
Pour accueillir les pèlerins, Abdullah Khan (celui qui a fait la madrasa
jumelle de Modar-i-Khan) fit construire, de 1560 à 1563, un ensemble
digne de ces très saints hommes comprenant une mosquée, une khanaka
(caravansérail pour les derviches pèlerins) et une madrasa. Ces
monuments ont la particularité d'être construits sur le même
alignement, face à deux bassins et à la nécropole. Il y
a en tout quatre bassins, pour faire écho aux quatre saints hommes. Abdullah
Khan y logea les membres de la secte des soufis Djoubairi (ou khodjagon), une
branche de l'ordre des Naqchbandi. Le fondateur de cette confrérie, Khodja
Islam Djoubairi, était le chef spirituel d'Abdullah Khan.
Les soufis prient en tournant en rond et répètent " il n'y
a dieu que dieu ", jusqu'à atteindre l'extase spirituelle. La doctrine
de l'Un et l'Unique exprime qu'il n'y a pas de différence entre celui
qui aime Dieu et Dieu.
Dans les siècles qui suivirent, de nombreux nobles de Boukhara se firent
construire des mausolées près des tombes des saints, et une véritable
nécropole s'est dessinée autour de ruelles. Un autre lieu saint,
le Mausolée de Baha-Al Din Nagchband, dans le village de Kasri Arifon,
à environ 10 km de Boukhara, a aussi attiré pèlerinage
et tombes des nobles boukhares.
L'enchevêtrement de tombes et les pishtak en ruine donnent à l'ensemble
un charme très particulier. On nous fait remarquer que les murs de brique
reposent sur un muret par l'intermédiaire d'une planche et d'un lit de
roseaux. C'est un dispositif anti-sismique. Même dans les nécropoles,
les murs étaient décorés de stuc. Le stuc est une peinture
sur du plâtre. Il faut le réaliser sans tarder, sinon, le plâtre
sèche et on ne pleut plus peindre dans la masse. Aussi, le travail est
fait en équipe bien organisée.
A la cérémonie d'enterrement, comme on l'a dit en passant à
côté du cimetière de Khiva, seuls les hommes sont présents.
Les femmes ont pleuré le défunt à sa maison. La tombe musulmane
porte une colonne torsadée, en signe de richesse spirituelle, comme les
colonnes que l'on voit encastrées dans le mur à l'entrée
des madrasa ou des mosquées. Contrairement au défunt ouzbek, qui
est déposé sur la terre et enseveli, le musulman est enterré
dans un trou de 60 cm de profondeur. On ouvre ses yeux et on jette des grains
de sable pour rappeler que tout ce qu'il a gagné sur terre n'est que
sable ou poussière. Certaines tombes portent une niche qui servait à
entretenir un feu comme chez les Zoroastriens. D'autres ont une fleur à
8 pétales, creusée dans la pierre, pour recevoir des offrandes
de céréales. On plante des jujubiers dans le cimetière.
Ses fines épines repoussent les animaux. Son fruit est bon à consommer
et efficace pour améliorer la circulation.
Après le déjeuner, nous nous rendons à pied dans la ville
qui est bloquée pour la venue du président Karimov. Dans ce genre
de pays un peu totalitaire, le passage du président impose de geler toute
communication.
Individuellement, nous visitons donc la ville de Boukhara à pied, ce
qui est très agréable pour mieux s'en imprégner. Je fais
d'abord l'expérience du hammam et massage à la turc : c'est un
ancien établissement en pierre, voûté. Il y a des estrades
sur les quelles les client peuvent s'étendre et prendre un bain de vapeur.
Je suis le seul client car le tarif pratiqué (8,5 euros) est prohibitif
pour les habitants. Le masseur me frotte le corps avec un gant de crin, pour
gommer les aspérités, puis il entreprend le massage énergique,
qui consiste à me tordre dans tous les sens, jusqu'à ce que mes
articulations craquent
. Bizarrement, on sort de là léger
et en pleine forme. Il me sert un thé, suivant un cérémonial
fréquent également dans les pays arabes.
On retourne ensuite vers les coupoles marchandes, histoire de se laisser tenter
par quelques objets d'artisanat, puis vers la madrasa d'Abdoul Aziz Khan pour
faire aussi quelques achats. Nos pas nous conduisent ensuite vers l'ouest, et
la mosquée Kalon ; c'est là que nous sommes pris en charge par
les petites vendeuses collantes. Dans un bon français elles nous entraînent
à leur boutique et ne nous lâcheront pas tant qu'on n'achète
pas, non seulement à l'une d'elle mais aussi à une autre vendeuse.
" Et un tel, pourquoi n'est il pas revenu. Il m'a promis de venir et une
telle, où est-elle. " Elles avaient demandé les noms de chacun
du groupe, ou presque. C'est à la fois drôle et agaçant.
Je
visite une dernière fois la grande mosquée Kalon, vide et reposante.
En longeant son mur nord, on atteint facilement la citadelle, massive comme
une colline, puis la mosquée Bolo Khaouz. Je cherche à ce moment
le jardin où se trouve le superbe mausolée des Samanides. Mon
plan ne me renseigne pas bien . je marche dans une direction approximative et
c'est en demandant le chemin que je réalise mon erreur. On décide
de prendre un verre (bière, thé) à un salon de thé,
sous l'ombrage de quelques arbustes, pour profiter d'une douce soirée.
Je ferai seul le détour par le mausolée, en courant par moment
car l'heure du dîner approche. Je ne regrette pas ce détour, car
le mausolée prend au soleil couchant une autre couleur, presque dorée,
que le bassin réfléchit comme un joyau.
J'arrive
à la madrasa Modar-i-Khan en même temps que le groupe. En face,
la madrasa jumelle, d'Abdullah Khan, contient un musée. Elles ont le
plan classique : deux étages, un pishtak pour entrée, des guldasta
à chaque extrémité. La vaste cour est entourée de
deux étages de cellules et un grand iwan. La madrasa Modar-i-Khan accueille
régulièrement des dîners accompagnés de musique classique.
Les musiciennes s'ennuient tellement qu'elles n'hésitent pas à
interrompre leur crincrin pour prendre un coup de fil sur leur portable !! Si
vous pouvez, évitez ce spectacle affligeant. Je me console en visitant
de façon insolite la madrasa de fond en comble. Un escalier en colimaçon
mène au toit voûté au-dessus de l'entrée. Un autre
tout aussi casse genou conduit à la terrasse d'où je domine la
cour et les toits de Boukhara. Je reconnais le grand minaret Kalon avant que
les derniers rayons de soleil ne s'éteignent et que les projecteurs prennent
le relais.
Ce soir, je ne cherche pas à rentrerà pied à l'hôtel,
car il faudrait traverser toute la ville, qui est peu éclairée
(et
j'ai mal aux pieds).
Fin de la visite de Boukhara
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