Récit de voyage en Ouzbékistan sous forme de Journal de voyage :
Jour 1 : Tachkent - suite (page 3/3)
Le change et petites roublardises :
Première étape : se munir de monnaie locale, le Soum, qui
a été introduit après l'indépendance de 1991.
Pendant 3 ans, il y eut le soum-coupon, qui n'était pas plus convertible
que le soum. Cette monnaie existe en petites coupures, de 100 (billets
rares et abîmés), 200, 500 et 1.000 soums, pas toujours disponibles.
Il arrive qu'un guichet soit en rupture de stock. Heureusement, les monnaies
fortes, dollar, euro, sont acceptées par les commerçants
en contact avec les touristes (marchands d'artisanat notamment). Pour
acheter une bouteille d'eau minérale en dehors de l'hôtel
(l'eau en bouteille est indispensable pour éviter les ennuis intestinaux),
il faut la monnaie locale (son prix est de 600 soums).
Le
guichet de l'hôtel est ouvert 24 h sur 24, paraît-il, et il
pratique le taux officiel qui est revu une fois par semaine, le mardi.
Il y avait un marché noir, qui pratiquait un taux plus représentatif
des données économiques mais il a disparu lorsque le taux
officiel s'est rapproché de ce taux plus réaliste. Le taux
est de 1250 soums pour 1 dollar lors de notre voyage.
Les billets de 20 dollars que je présente ont des défauts
et sont refusés. Petit conseil en passant : veillez à n'emmener
que des billets en parfait état, ni surchargés, ni tachés,
ni raturés. Pour 50 euros changés, je repars avec une épaisse
liasse de billets de 500 soums que la guichetière a consciencieusement
comptés à la machine. Le compteur de la machine est tourné
vers moi et je peux m'assurer que le montant livré est correct.
A Boukhara, la guichetière, tout aussi muette que celle-ci, fera
son décompte à la main, en me tournant le dos. Par principe,
je recompterai une fois, puis deux, pour réaliser
qu'il
manque des billets, l'équivalent de 4 % ! Sans contester ma réclamation,
la guichetière reprend la liasse incomplète, la fait compter
par la machine qui confirme la supercherie et me rajoute les billets manquants.
Les petites roublardises sont courantes dans ce pays, comme j'ai pu m'en
assurer en lisant les forums de voyages : tel hôtelier prétend
qu'il manque des billets ; le client naïf se confondrait en excuses
et tomberait dans le piège en rajoutant les billets soi-disant
absents ; tel chauffeur de taxi, une fois arrivé à destination,
double le tarif accepté au départ et garde la valise du
client dans le coffre, pour obliger le client à céder. Je
le verrai aussi par moi même plus tard : à Boukhara toujours,
le serveur encaisse les 3.000 soums de ma bière (sans les compter,
ce qui m'a surpris) et revient 2 minutes après réclamer
une seconde fois le paiement ! Heureusement, j'ai des témoins.
Il faudra l'habilité et la gentillesse persuasive de notre guide
pour calmer le différend. A l'inverse, un autre jour, un restaurant
fera payer par erreur le tarif de la bière pression pour la bière
en canette et ne réclamera pas la différence qui est en
sa défaveur. Une autre fois, à Samarkand, le serveur appliquera
le même tarif pour tous les types de bière, masquant qu'il
existe une différence du simple au double entre bière locale
et bière importée. Quelqu'un s'en rend compte, notre guide
fera remonter le litige à la direction de l'hôtel et pour
s'excuser, le directeur nous fera servir un verre de vin à chacun.
Personnellement je n'ai jamais trouvé de tarif écrit, et
les tarifs annoncés sont plus élevés que ce qu'avait
dit notre guide ! Certes, il s'agit de montants faibles par rapport au
niveau de vie en Europe, mais est-ce une raison pour se faire abuser ?
On verra aussi que le tarif des timbres pour envoyer une carte fluctue,
on ne sait pourquoi.
Quand à vouloir acheter des timbres, même ayant cours, inutile
de regarder la valeur faciale (par exemple 50 soums, 80 soums, 100 soums),
car le vendeur installé à l'hôtel demande un jour
500 soums par timbre, le lendemain 1.000 soums par timbre, voire 10.000
soums pour la collection complète de 4 timbres !!
La cuisine :
Ce
soir nous dînons chez Aziz, restaurant en plain air le long du canal
Ankhor, sous le tablier d'un pont.
Au menu : petit verre de vodka, que l'on boit cul sec après avoir
fait un toast. L'usage veut qu'on boive ainsi. " Il n'y a que les
ivrognes qui boivent sans raison " dit notre guide !
La vodka a été introduite en Asie centrale par les Russes
et elle restera même si les Russes s'en vont.
Ensuite, crudités, brochettes de porc (l'islam est ici très
tolérant !), oignons crus (indigestes !), pommes de terre frites
et légumes verts. La friture est souvent à base d'huile
de coton et je ne suis pas sûr de la qualité alimentaire
de cette huile. Les brochettes appelées chachlik, littéralement
" 6 morceaux ", sont une alternance de morceaux de viande et
de cubes de graisse de mouton. La graisse de mouton est une spécialité
ouzbek. Elle est fondante sous la langue mais dans le doute sur ses effets,
je me contente de découper le bord frit, un peu comme le bord frit
de la graisse de canard. Le fessier de certains moutons en produit. Nous
avons eu l'occasion de les voir ce matin, dans la maison qui nous accueillait
pour le petit déjeuner. Ces animaux ont d'étranges fesses,
énormes comme des ballons.
La cuisine est parfois un peu grasse, pas top épicée, en
général basée sur des crudités, des pâtes,
un peu de viande de mouton ou de buf, rarement du poulet, parfois
du poisson d'eau douce (sandre). Le plat national, le plof, est
fait de riz sauté, cuit avec des carottes et du mouton. On y ajoute
des raisins secs. On le prépare traditionnellement le vendredi
et à l'occasion des grandes fêtes comme la fête du
printemps (Navrouz). C'est un plat savoureux mais gras et un peu lourd.
Le fromage est rare, sauf l'équivalent du fromage de brebis, la
feta, servi en salade de tomate comme en Grèce.
On sert aussi des fruits secs, raisins, abricots, des cacahuètes
et pistache, des noyaux d'abricots qui se décortiquent pour en
extraire la graine.
Le pain ouzbek, Non, ou lipioshka en russe, est une galette
ronde. Il n'est pas levé et peu salé. Le pain est un aliment
sacré. On le coupe à la main pour le partager entre les
convives. On ne le pose pas à l'envers sur la table.
On boit de l'eau minérale et du thé vert, servi en fin de
repas. On dit que le thé se marie bien avec les légumes
verts. Servir le thé obéit à tout un cérémonial.
On prend ou donne la théière ou les tasses de la main droite,
éventuellement en posant l'autre main sur le coeur. Avant de servir
le thé, on en verse à trois reprises dans une coupe que
l'on reverse dans la théière. Ces gestes sont appelés
le khaïtarmar. Chaque versement est un symbole. Le premier,
loy, symbolise l'argile qui étanche la soif ; le second,
moy, la graisse qui isole du froid et du danger ; le troisième
tchai, le thé proprement dit qui éteint le feu.
Venant
d'une grande salle, j'entends de la musique. Par curiosité je vérifie
qu'on y fête un mariage. C'est normal, on est samedi et à
notre hôtel il y avait aussi une dîner de mariage. Celui de
l'hôtel est particulièrement somptueux : les jeunes mariés
sont arrivés dans une limousine américaine de stars hollywoodienne.
Pour profiter du moment, la jolie mariée de blanc vêtue est
restée assise à papoter avec ses deux demoiselles d'honneur.
Même les trompettes dressées pour accueillir le khan en personne
ne l'ont pas fait sortir. En vrai paparazzi, j'ai osé une photo
à travers l'encoignure de la porte. Le spectacle de chez Aziz est
plus convivial. Des dames d'un âge certain dansent en rond, se tenant
la main, et me font signe de les rejoindre. Des jeunes filles
boudent la scène. Elles arborent fièrement des mini jupes
qui ne couvrent pas les cuisses. Les dames, elles, ne dévoilent
pas même un mollet, avec leurs longues robes soyeuses.
Une autre réception a lieu derrière la grande salle, en
plein air. J'ai l'impression que c'est une réunion de professionnels,
car il y a beaucoup d'hommes, peu de femmes et les hommes sont en costume.
Eux aussi dansent, en claquant des mains au dessus de la tête. Ils
m'ignorent royalement, ce qui ne me déplaît pas. Je peux
les observer sans m'attarder.
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