Journal de voyage en Ouzbékistan :
Arrivée à Khiva (page 1/5)
Nous atteignons Khiva, à 30 km d'Ourgentch, vers 17h. De prime
abord, la ville est très calme. Peu de gens dans la rue. Notre
hôtel est au bord nord de la ville le long du rempart. C'est un
hôtel simple, sans le confort de l'hôtel de Tachkent. Toute
la famille de l'hôtelier y travaille : le jeune homme porte les
valises à l'étage, la femme apporte les jus d'orange et
il y a une jeune fille qui participe aux tâches.
Sans tarder, nous allons visiter la ville pour profiter de la belle soirée
et d'une lumière extraordinaire dont rêvent tous les photographes.
Khiva
est une ville-musée : elle possède de superbes monuments,
54 en tout, datant du XVIIe au XIXe siècle, du
temps où elle fut un lieu de passage pour les caravanes du désert
et le siège d'un Khanat (un royaume dont le roi est nommé
" khan ", à prononcer " Rann "). La ville comprend
le centre historique, chakhristan, lui-même inclus dans la "
ville intérieure ", Itchan Kala, qu'encerclent des remparts
crénelés. Là résidaient le khan (le roi) ou
le vizir, les fonctionnaires, les étudiants des madrasa
et les commerçants.
Les monuments se sont dégradés suite à l'abandon
et au manque d'entretien. La remontée de la nappe phréatique,
consécutive à l'intense irrigation de l'oasis du temps des
Soviétiques, a provoqué des infiltrations à la base
des murs qui décollent les céramiques et endommagent la
brique. Les Soviétiques ont pris conscience de l'intérêt
historique de la ville en 1975 et entrepris un vaste programme de rénovation,
un peu brutal au goût de certains. Khiva a été classée
au patrimoine mondial par l'UNESCO en 1990.
La population a été chassée de la vieille ville,
même si des maisons de pisé subsistent au nord et au sud
de la partie monumentale et sont habitées par 2.000 personnes.
A l'extérieur des remparts, s'étend Dechan Kala, la "
ville extérieure " où habitait le petit peuple.
En 1515, un groupe ouzbek, les Chaybanides Yadigarid, domine la
région, à partir d'Ourgentch. Le cours de l'Amou Daria
se déplace en 1576, à la suite de quoi les Chaybanides
vont rechercher un autre siège à leur royaume. En 1619,
le khan Arab Muhammad I (1603-22) choisit Khiva comme siège
de son khanat.
Pierre le grand envisage d'ouvrir une route commerciale vers l'Inde
en passant par le Khorezm et le khanat de Khiva. Il a entendu parler
de rivières chargées d'or qui feraient la richesse de
Khiva. Il envoie une armée de 4.000 hommes, sous le commandement
du Prince Alexander Bekovich-Cherkassky, en 1717, à la fois
pour vérifier la topographie de la région et pour négocier
avec le khan Shir Ghazi. Celui-ci les accueille d'abord, et fait établir
les camps dans plusieurs villes puis il les fait prisonnier et les
passent par les armes, tous sauf 10 soldats chargés de porter
la nouvelle chez eux.
L'armée russe ne revient qu'en 1873 et réussit à
conquérir Khiva. |
Ce soir, nous sortons de l'hôtel par une petite porte pour nous
plonger directement au cur du lacis de ruelles. Ce n'est pas le
meilleur moyen pour s'orienter. Le cheminement le plus simple serait de
longer le rempart et de bifurquer par les grands axes vers les monuments
d'Itchan Kala. J'opte pour la solution qui va nous désorienter
un peu et nous réserver de belles surprises. Ici, des jeunes femmes
en longue robe flottant à contre jour nous dirigent vers une source
d'eau. Elles descendent dans une fosse au milieu d'une large rue pavée.
La plaque a été enlevée et elles peuvent puiser l'eau
directement à la conduite. Les seaux de plastique bleu brillent
au soleil. Je me rends vite compte que la photo ne les effraie pas. Quelle
différence avec le Maroc où il est extrêmement difficile
de photographier des personnages. Les gamins posent carrément.
Une dame tend son bébé pour que je le photographie. Les
appareils numériques permettent d'afficher le résultat,
de le contrôler et
de le montrer aux sujets photographiés.
L'idéal serait de leur remettre un tirage. Je le fis en Chine,
à Pékin, auprès d'une famille qui m'avait ouvert
leur porte, alors qu'ils ne parlaient aucune langue que je comprisse et
que je ne parlais aucune langue qu'ils comprissent. J'avais su retrouver
leur adresse, dans la nuit brumeuse (c'était en hiver), au coeur
d'un hutong (prononcer "Routong") promis aux bulldozers. La
vue des photos que je venais de faire tirer sur papier les enchanta. Je
suis sûr que ces photos sont en bonne place dans leur chambre qui
tient lieu de pièce à vivre.
Un
bruit de martèlement nous attire vers une madrasa transformée
en atelier de boiseries. On y fabrique des piliers, que je prends pour
des mâts (car ils sont effilés). On en verra de beaux exemplaires
à la mosquée.
Une grande place en pente est encadrée par deux grands monuments,
l'un à l'est est fermé, l'autre à l'ouest est encore
ouvert et gardé par des policiers. C'est l'ancienne résidence
du khan dont les terrasses qui surplombent la ville sont accessibles jusqu'à
19h. Le soir est idéal pour y monter et admirer la ville sous le
soleil couchant. Mais une petite terrasse au bout de la place nous convient
pour l'heure. Les tables rustiques posées sur des pavées
irréguliers nous offrent un point d'observation sur la rue en contrebas.
J'y prends une bière en bouteille, de 50 cl. On consomme habituellement
du thé, de la bière, du coca.
En face, un marchand vend des chapeaux noirs en laine de mouton, ou chugirma
: on le portait été comme hiver, en hiver il tient chaud,
en été il fait suer et l'évaporation rafraîchit.
D'autres touristes ont pris place. Il se pourrait que ce soit des touristes
individuels. Nous en verrons fort peu. D'ailleurs le site LonelyPlanet
met en garde les touristes individuels ainsi :
"L'Ouzbékistan cultive les paradoxes : alors que c'est la
république d'Asie centrale qui possède le potentiel le plus
important, les autorités ne favorisent guère le tourisme.
Les pratiques et les mentalités n'ont pas évolué
depuis la disparition de l'URSS. ... Le gouvernement n'encourage que le
tourisme très encadré. Si vous voyagez seul, sachez que
les autorités ne feront rien pour vous faciliter la vie."
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